Chapitre 33

 

Kahlan en resta sans voix.

Richard lui posa une main sur l’épaule et la serra très fort.

— Et si l’autre carnet, celui de Joseph Ander, n’avait pas été détruit ?

— On peut supposer qu’il serait pieusement conservé en Anderith…

— Et comment ! Ces gens vénèrent Ander au point d’avoir utilisé son nom pour baptiser leur pays. S’il existe encore, ils doivent tenir ce livre de voyage pour une relique !

— C’est possible, mais pas certain…

— Que veux-tu dire ?

— Parfois, une personne n’est pas appréciée à sa juste valeur de son vivant. La reconnaissance peut venir beaucoup plus tard, et uniquement pour servir les intérêts de dirigeants sans scrupules. Dans ces cas-là, tout ce qui peut donner accès à la véritable pensée du « grand homme » devient gênant, et il n’est pas rare qu’on s’en débarrasse plus ou moins discrètement.

» Même si je me trompe, et que les Anderiens vénèrent pour de bon ton sorcier, le pays a changé de nom après que Zedd eut quitté les Contrées. C’est très récent, Richard ! J’ai connu des cas où le « penseur fondamental » était un objet d’adoration parce qu’il ne restait aucun témoignage de sa philosophie. Adorer un symbole est beaucoup moins exigeant que se référer à une pensée structurée et contraignante. Crois-moi, toutes les traces du passage de Joseph Ander en ce monde doivent être effacées depuis des lustres.

Déconcerté par cette impeccable logique, Richard se frotta pensivement le menton.

— Il y a une autre inconnue, dit-il après une assez longue réflexion. Les messages qui s’inscrivent dans un livre de voyage peuvent être effacés pour faire de la place aux nouvelles communications. Même si j’ai raison, et qu’Ander ait vraiment envoyé à la Forteresse un compte rendu contenant la solution du problème des Carillons, ça risque de ne pas nous être utile, si ce passage a été supprimé pour permettre l’envoi d’un autre texte. Cela dit, c’est la seule piste que nous ayons, alors…

— Non, ce n’est pas la seule ! rappela Kahlan. Un autre chemin, beaucoup plus sûr, conduit en Aydindril, où une mission nous attend dans la Forteresse du Sorcier.

Richard se sentait pourtant irrésistiblement attiré par l’éventuel héritage de Joseph Ander. S’il avait eu une preuve qu’il s’agissait d’un mauvais tour de son imagination, il aurait volontiers renoncé. Mais là…

— Kahlan, je sais que…

Il se tut, tous les poils de la nuque hérissés et la peau douloureuse comme si on y enfonçait des centaines d’aiguilles de glace. Doucement gonflée par la brise, sa cape claqua soudain comme un fouet, sans raison apparente. Sur ses bras, il sentit monter la chair de poule.

Un frisson glacé courut le long de son échine. Celui qu’il sentait chaque fois que le mal rôdait autour de lui…

— Que se passe-t-il ? demanda Kahlan.

Sans répondre, Richard se détourna et sonda la plaine, les entrailles nouées par l’angoisse. À perte de vue, les hautes herbes ondulaient sous la caresse du vent. Dans le lointain, des éclairs zébraient toujours les profondeurs des nuages noirs. Même s’il n’entendait pas le tonnerre, le Sourcier sentait vibrer la terre sous ses pieds.

— Où est Du Chaillu ? demanda-t-il.

— Je l’ai vue partir par là il y a quelques minutes, dit Cara, qui montait la garde à quelques pas des deux jeunes gens.

Richard plissa les yeux, mais il ne vit rien.

— Pourquoi s’est-elle éloignée ?

— Elle avait tant pleuré… Je suppose qu’elle voulait s’isoler pour se ressaisir, ou pour prier…

Jusque-là, le Sourcier avait vu la femme-esprit. Depuis…

Il appela Du Chaillu, sa voix se perdant dans l’immensité de la plaine. La deuxième fois, il cria plus fort, et n’obtint pas davantage de réponse.

Alarmés, les maîtres de la lame se levèrent et improvisèrent une battue.

Richard partit dans la direction où il avait vu pour la dernière fois la Baka Tau Mana. Kahlan et Cara le suivirent à travers les hautes herbes. Affolés par le silence de leur femme-esprit, les guerriers couraient à présent en tous sens.

Comme si elles cherchaient à se moquer d’eux, les hautes herbes ondulaient pour leur donner de l’espoir, mais ce devait être le vent, ou des animaux, puisque Du Chaillu restait introuvable.

Puis Richard aperçut sur sa droite une forme sombre qui l’intrigua. Il bifurqua dans cette direction, pataugea dans un marécage puant, retrouva la terre ferme un instant, traversa une nouvelle flaque d’eau boueuse…

… Et aperçut Du Chaillu, étendue sur le ventre comme si elle dormait, sa robe de prière remontée jusqu’aux genoux.

Son visage reposait dans une flaque profonde d’à peine quelques pouces.

Richard courut, sauta par-dessus la Baka Tau Mana pour ne pas la piétiner, fit demi-tour, la saisit par les épaules et la retourna sur le dos.

Les yeux morts de la femme-esprit se rivèrent sur le ciel. Dans son regard, Richard reconnut l’étrange convoitise qu’exprimait celui de Juni, quand il avait découvert son cadavre.

— Non ! cria Richard en secouant la Baka Tau Mana. Du Chaillu, je t’ai vu il y a quelques minutes ! On ne meurt pas comme ça ! Tu m’entends ! On ne meurt pas comme ça !

La femme-esprit ne répondit pas. Elle ne dirait jamais plus rien, car elle n’appartenait plus à ce monde.

Quand Kahlan lui posa sur l’épaule une main réconfortante, le Sourcier s’écarta et hurla de rage.

— Elle était vivante il n’y a pas dix minutes, dit Cara. J’en suis sûre !

— Je sais ! rugit Richard. Par les esprits du bien, je le sais ! Si j’avais compris ce qui se passait !

Accablé, il se prit le visage à deux mains. Mais la Mord-Sith lui saisit les poignets et le força à écarter les bras.

— Seigneur Rahl, son esprit est peut-être encore dans son corps…

Autour des trois jeunes gens et du cadavre, les maîtres de la lame et les hommes d’Adobe tombaient à genoux les uns après les autres.

— Cara, souffla Richard, il n’y a plus rien à faire. C’est fini…

— Seigneur Rahl…

— Elle ne respire plus, mon amie. Du Chaillu est morte.

— Denna ne vous a donc rien appris ? Pourtant, les Mord-Sith enseignent toujours à leurs prisonniers la façon de partager le souffle de la vie.

Richard détourna la tête pour ne plus croiser le regard de sa protectrice. Prendre la douleur d’une personne de cette manière-là était un cauchemar. Le souvenir que Cara venait d’éveiller en lui le terrorisait presque autant que la mort brutale de Du Chaillu.

Les Mord-Sith partageaient le souffle de leurs « petits chiens » quand ils étaient aux portes de la mort. Un rituel sacré qui leur permettait de jouir de l’angoisse du moribond, et de jeter un coup d’œil sans danger, mais parfaitement illicite, sur le royaume glacé qui s’étendait de l’autre côté du voile. Quand le moment d’exécuter un prisonnier venait, les Mord-Sith. En profitaient pour s’offrir par procuration une excitante expérience de la mort.

Avant que Richard tue Denna, elle lui avait demandé de recueillir en lui son soupir. Pour lui rendre hommage, il avait accepté…

— Cara, ça n’a aucun rapport avec…

— Rendez-le-lui !

— Pardon ? De quoi parles-tu ?

La Mord-Sith s’écarta sans ménagement de son seigneur, s’agenouilla près de Du Chaillu et lui posa sa bouche sur les lèvres.

Richard la regarda, horrifié. N’avait-il donc pas réussi à instiller plus de respect pour la vie dans le cœur de ces femmes ?

Le spectacle lui souleva le cœur. Contraint de revivre le plus atroce moment de son existence, il crut vomir en voyant Cara, qu’il croyait avoir aidée à changer, retomber dans les ignominies de son passé. Son avidité à entrer en contact avec la mort prouvait qu’elle ne s’était pas détachée de son conditionnement – et qu’elle ne s’en libérerait probablement jamais. Ainsi, il avait échoué, même sur ce terrain-là ?

La Mord-Sith pinça le nez de Du Chaillu et lui souffla dans la bouche.

Fou furieux, Richard tendit les bras pour l’écarter du cadavre.

Mais il n’alla pas jusqu’au bout de son geste. Quelque chose dans le comportement de Cara – peut-être sa fébrilité, si peu typique chez les femmes comme elle – lui suggéra qu’il interprétait les choses de travers. Une main sous la tête de la femme-esprit, et l’autre lui pinçant toujours le nez, Cara continuait à souffler et la poitrine de la morte se soulevait, puis retombait dès que la Mord-Sith inspirait.

Rouge de colère, un maître de la lame se leva pour intervenir, puisque le Caharin semblait y avoir renoncé.

Richard saisit le poignet de Jiaan, le retint et secoua lentement la tête. À contrecœur, le Baka Tau Mana recula de quelques pas.

— Richard, souffla Kahlan, que croit-elle donc faire ? C’est grotesque ! Obscène, même ! Tu crois que c’est un rituel funéraire d’haran ?

Cara continuait, inlassable.

— Je n’en sais rien… Mais en tout cas, ce n’est pas ce que je pensais.

— Et à quoi pensais-tu donc, par les esprits du bien ?

Richard ne répondit pas. Pour rien au monde, il n’aurait décrit avec des mots l’atroce moment qu’il avait vécu près de Denna, quand il lui avait traversé le torse avec son épée.

Devant eux, Cara s’acharnait toujours sur le cadavre.

Le Sourcier détourna les yeux. Quoi que la Mord-Sith fasse – ou s’imagine faire – il n’était pas décent de regarder…

Au fond, Kahlan avait peut-être raison, avec son hypothèse d’un rituel funéraire… Au moins, il l’espérait !

Le voyant tituber, Kahlan prit la main de son mari.

À cet instant, quelqu’un toussa, puis émit d’étranges gargouillis, comme quand on recrache de l’eau.

Richard leva les yeux et vit que Cara tournait Du Chaillu sur le côté. Alors que la femme-esprit s’étranglait toujours, elle lui tapa plusieurs fois entre les omoplates – comme pour faire roter un bébé, mais beaucoup plus violemment.

Du Chaillu vomit. S’agenouillant, Richard écarta sa longue crinière noire pour qu’elle ne la souille pas.

— Cara, comment as-tu fait ça ? Bon sang, elle était morte !

La Mord-Sith tapa de nouveau dans le dos de la Baka Tau Mana, qui cracha encore de l’eau.

— Seigneur, Denna ne vous a pas appris à partager le souffle de la vie ?

— Oui, mais ce n’était pas…

La femme-esprit s’accrocha au bras du Sourcier et continua à se vider les poumons. Richard lui caressa les cheveux, afin de lui indiquer qu’ils étaient tous solidaires de son combat. Une pression sur son bras lui apprit que Du Chaillu le savait.

— Cara, demanda Kahlan, comment l’as-tu ressuscitée ? C’est de la magie… ?

— De la magie, moi ? ricana la Mord-Sith. Sûrement pas ! Son esprit n’avait pas encore quitté son corps. Parfois, ça laisse une chance de sauver une personne. Mais il faut agir vite, quand on veut rendre à quelqu’un le souffle de la vie.

Autour de la miraculée, les maîtres de la lame parlaient en gesticulant comme des marionnettes. Ils venaient d’assister à un événement qui donnerait sans doute naissance à une légende. Leur femme-esprit était revenue du royaume des morts !

— Tu peux… rendre… le souffle de la vie à quelqu’un ? demanda Richard, stupéfait.

Kahlan s’agenouilla près de Du Chaillu et lui murmura des paroles d’encouragement. Même si elle continuait à cracher de l’eau et à tousser, la femme-esprit, si blême fût-elle, respirait de mieux en mieux.

L’Inquisitrice prit la couverture que lui tendait un chasseur et la posa sur les épaules de Du Chaillu, qui tremblait comme une feuille.

Cara se pencha pour chuchoter à l’oreille de Richard :

— Quand Denna vous a torturé, comment vous a-t-elle gardé en vie si longtemps, d’après vous ? Pour ça, elle n’avait pas d’égale, vous savez ? Je devine ce qu’elle vous a infligé, et si elle ne vous avait pas aidé, vous seriez mort avant qu’elle ait estimé en avoir fini avec vous. Mais vous deviez cracher du sang, pas de l’eau…

Richard se souvint des flots de sang qu’il avait régurgité, comme s’il s’était noyé dans un fleuve de fluide vital. Darken Rahl appréciait Denna parce qu’elle était la meilleure. Une Mord-Sith capable de garder en vie un « sujet » bien plus longtemps que toutes ses collègues. Et il venait de découvrir comment elle s’y prenait.

— Mais je n’aurais jamais cru…

— Cru quoi, seigneur ?

— Qu’une chose pareille soit possible après la mort d’une personne.

Considérant la merveille qu’elle venait d’accomplir, Richard n’eut pas le cœur de dire à la Mord-Sith qu’il l’avait crue reprise par ses anciens démons.

— Tu as fait un miracle, mon amie, et je suis très fier de toi !

— Seigneur, arrêtez de me regarder comme si j’étais un esprit du bien en visite notre monde. Toutes les Mord-Sith savent faire ça. Toutes ! (Elle prit Richard par le col et le tira tout près d’elle.) Et vous aussi ! Denna vous l’a appris, j’en suis sûre ! Vous auriez réussi aussi bien que moi !

— J’en doute, Cara. Si j’ai pris le souffle de la vie, je ne l’ai jamais… donné.

Cara lâcha le col de son seigneur.

— C’est la même chose, en sens inverse…

Du Chaillu posa sa tête sur les genoux de Richard, qui recommença à lui caresser les cheveux.

La Baka Tau Mana s’accrocha à sa ceinture, à sa chemise, puis à sa taille, comme une bouée de sauvetage.

— Mon époux, dit-elle entre deux quintes de toux, tu m’as arrachée à l’étreinte de la mort.

Kahlan tenant déjà une main de la femme-esprit, il lui prit l’autre et la posa sur la jambe gainée de cuir rouge de la Mord-Sith.

— C’est à Cara que tu dois ton retour parmi nous, Du Chaillu. Elle t’a rendu le souffle de la vie.

La main de la Baka Tau Mana remonta lentement le long du cuir et vint serrer celle la Mord-Sith.

— L’enfant du Caharin est sauvé… Je te dois deux vies, Cara. Merci ! Le petit vivra grâce à toi !

Le Sourcier estima que ce n’était pas le moment de polémiquer sur une affaire de paternité.

— Ce n’était rien… Le seigneur Rahl aurait pu s’en charger, mais j’étais plus près, alors…

Cara serra brièvement la main de Du Chaillu, puis elle la lâcha et s’écarta pour laisser les maîtres de la lame, éperdus de gratitude, entourer leur femme-esprit.

— Merci, Cara, répéta Du Chaillu.

La Mord-Sith parut vaguement ennuyée que tant de gens s’ébaubissent de l’avoir vue agir avec altruisme.

— Nous sommes tous contents que ton esprit n’ait pas quitté ton corps. Ainsi, tu as pu revenir parmi nous, et l’enfant du seigneur Rahl aussi…

L'Ame du feu - Tome 5
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